Le traitement anticoagulant oral vise, en entraînant une hypocoagulabilité adéquate, à s’opposer au développement des thromboses et au risque thrombo-embolique en général, sans provoquer d’hémorragie. Les antivitamines K (AVK), produits de synthèse actifs par voie orale, sont à l’heure actuelle les médicaments les plus efficaces pour réaliser au long cours cette prévention, du moins dans la plupart des indications.
Ils inhibent la carboxylation des facteurs II, VII, IX et X et des protéines C et S. La diminution des facteurs de la coagulation vitamine K-dépendants est fonction de leur demi-vie d’élimination, les facteurs à demi-vie la plus courte disparaissent les premiers (notamment les facteurs VII et IX).
Indications et contre-indications générales
Avant d’entreprendre un traitement par les antivitamines K, il faut :
- rechercher l’existence d’une contre - indication : altération de l’hémostase, maladie hémorragique ou hémorragipare, ulcère digestif récent ou en poussée, accident vasculaire cérébral récent, hypertension artérielle sévère non contrôlée, ou toute affection comportant un risque hémorragique potentiellement vital ;
- être certain de l’existence d’un risque important de thrombose et de la possibilité, si nécessaire, de prolonger le traitement à moyen ou long terme.
Modalités du traitement
Il est déconseillé d’utiliser une dose de charge : celle-ci peut être dangereuse en cas de sensibilité individuelle aux antivitamines K, et peut entraîner une augmentation transitoire du risque thrombo-embolique par baisse précoce et importante de la protéine C, précédant celle des facteurs de la coagulation, ce qui rend difficile la détermination rapide de la dose réellement efficace [2]. En cas de relais héparine-antivitamine K, il faut savoir que l’héparine diminue souvent le taux d’antithrombine III dans le sang (effet qui pendant le traitement héparinique est largement contrebalancé par l’action antithrombine de l’héparine) et que de ce fait, le plasma peut devenir hypercoagulable pendant les trois jours qui suivent l’arrêt de l’héparine [3]. De plus, la baisse du taux des protéines C et S, anticoagulants naturels, entraînée par la warfarine, alors que les facteurs X, IX et II sont encore proches de leur niveau normal, est un argument supplémentaire pour un chevauchement des deux traitements, héparine et antivitamine K. Dans une situation de relais, le traitement héparinique est à maintenir le temps nécessaire pour que le traitement par les antivitamines K devienne efficace, c’est-à-dire après l’obtention d’un INR (International Normalized Ratio) cible pendant deux jours consécutifs afin d’assurer l’inhibition
de tous les facteurs.
On tiendra compte des traitements associés qui peuvent modifier l’action des antivitamines K [4], soit en potentialisant, soit en inhibant leur action (tableaux I et II). Indépendamment de toute compétition, l’association de certains médicaments peut être dangereuse, car ils inhibent les fonctions plaquettaires et augmentent le risque hémorragique (aspirine, ticlopidine, anti-inflammatoires non stéroïdiens) [4, 5] et doivent donc être maniés avec une grande prudence . Néanmoins, dans certains cas à haut risque de thrombose, l’association antivitamine K-aspirine peut être légitime [6].